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Suite de  Le chant du rossignol est plus beau que celui des cloches 1/2

 

Marc m'accompagne jusqu'au début du sentier, et c'est parti. Tout est simple. J'avance d'un bon pas, très décontractée (d'autant plus que ça descend !). Les piles de ma lampe frontale ne sont pas toutes neuves, mais je pense qu'elles suffiront.

La nuit est bien noire, sans lune. Très affairée à regarder où je pose les pieds, je ne pense même pas aux étoiles, qui dominent de leur grandeur ma progression d'insecte...

 

_TPS1931.JPG

 

 

J'ai l'impression d'avoir bien  progressé, quand le doute s'insinue en moi : tiens, il y a beaucoup d'herbe sur ce  chemin ? Je ne me souviens pas d'avoir remarqué cela en montant ? Il me semble aller dans la mauvaise direction... Ca ne descend plus ? Encore assez sure de moi, à trois reprises, je tente d'échapper à ce chemin chevelu, de crainte qu'il ne mène, de surcroît, à une habitation avec des chiens hargneux en guise de comité d'accueil. Ici des ronces, là la corniche.. Encore le mauvais chemin, encore le ravin, mais que se passe-t-il ?

 

Il est déjà 23 h 30. Je commence à transpirer et à m'énerver sérieusement... Par trois fois, tentant désespérément de lui échapper en prenant d'autres sentiers, je le retrouverai. Ne voulant pas plus m'avouer vaincue qu'appeler Marc à mon secours comme il me l'a gentiment proposé, je m'obstine à tourner en rond dans cette forêt semée de rocs, sans jamais trouver le bon sentier. Une bonne heure a déjà du s'écouler.. Il faut dire qu'â la lueur de ma lampe frontale, bien des repères m'échappent et le balisage demeure  invisible. je crains à présent de tomber en panne de lumière et de devoir passer la nuit dans la forêt (quoique cette perspective ne le semble pas si désagréable que cela...).

 

Une décision s'impose : remonter à Puech Sigal, puis redescendre par la route (4 km). C'est un peu vexant, mais je n’ai guère le choix. Si ma boussole m'aide un peu dans cette tâche, les lumières du village, bientôt aperçues,  me guident bien plus efficacement encore. Mais, bizarrement, il m'est toujours impossible de rejoindre la route convoitée. Un étroit chemin encaissé bordé de clôtures canalise mon énergie dans une direction que je ne souhaite pas prendre ! Il me faudra franchir l'obstacle et traverser vergers, vignes et champs fraichement labourés, y laissant la profonde empreinte de mes pas. Et je retrouve enfin l'oasis salvateur de la route bitumée,  qui va me permettre de descendre sans me perdre, espérons-le.
Et c'est précisément là où Marc m'a accompagnée à 22h30, que je reprends la route, la bonne cette fois, il n'est pas permis d'en douter, vers minuit.

 

La descente est longue, mais aisée. Comme cela arrive souvent lorsque l'on vit des situations un peu difficiles, la "récompense", d'aucuns disent "le cadeau de la nature", va se révéler de façon évidente,  au moment où je m'y attends le moins.


Il va être une heure du matin, je me réjouis d'être  bientôt arrivée. Alors que je marche silencieusement, à un moment donné, j'entre à pas  de plus en plus feutrés, dans un véritable paradis sonore : la sphère musicale d'un rossignol Philomèle. L'oiseau discret, logé dans un buisson au bord de la route, à deux mètres de moi à peine, emplit l'air nocturne de ses délicieuses ritournelles liquides, pleines de surprises, qui me chavirent le cœur. Ivre de son chant, il n'a pas du m'entendre et me voici pétrifiée, aussi immobile qu'un rocher mélomane. Mes oreilles ne me suffisent plus, j'ouvre la bouche pour mieux boire ce divin nectar sonore. J'aime particulièrement le moment ou l'oiseau émet une sorte de plainte, un  "uuuuuu..." "uuuuuu..." languissant, très aigu, annonçant une cascade de notes étourdissantes, qui a fait dire à Verlaine "l'oiseau qui pleure" (1) Je l'écoute de tout mon être,  et, dans sa vibration magique, il m'emporte dans une spirale céleste,  là où le grand ciel  noir criblé d'étoiles scintillantes et l'âme de monde se rejoignent.

 

 

Nachtigall1

Rossignol philomèle Luscinia megarhynchos

 

 

"Alors, cette voix mystérieuse
Va charmer les oreilles des anges,
Quand leurs soupirs dans la nuit pieuse
Monte vers Dieu comme une louange."

(Extrait de " Le rossignol " par Alphonse de Lamartine)

Le (ou au) rossignol, texte intégral de Lamartine  

 

 


Après m'être arrachée non sans regrets à ce charme puissant, j'ai bien évidemment fini par retrouver ma maison ambulante garée près de l'église de Notre Dame de la Rouvière. Vers une heure trente du matin, morte de fatigue, je me suis écroulée dans mon lit.

Contrairement à la nuit précédente où j'étais garée dans le même lieu et n'avais pu fermer l'oeil, je peux vous assurer que cette nuit là, j'ai dormi très profondément. Cette fois, je n'ai pas du tout entendu les maudites cloches de l'église, qui martèlent diaboliquement chaque heure, chaque demi-heure, pour le plus grand malheur des dormeurs.
Source de l'image

 

 

 

 

 

 

(1)Le rossignol, par Verlaine (extrait)

Et dans la splendeur triste d'une lune
 Se levant blafarde et solennelle, une
Nuit mélancolique et lourde d'été,
Pleine de silence et d'obscurité,
Berce sur l'azur qu'un vent doux effleure
L'arbre qui frissonne et l'oiseau qui pleure.

VERLAINE : Le Rossignol (Poèmes saturniens/paysages tristes VII 1865)

 

 

 

 

Tag(s) : #Autres régions ou pays, #Animaux, #Rêve - mystère et réalité, #Marc Namblard, #album
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