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551981_4633947047715_734773907_n.jpgForêt de hêtres au printemps

 

 « Comme le flot des mers ondulant vers les plages,
Ô bois, vous déroulez, pleins d'arôme et de nids,
Dans l'air splendide et bleu, vos houles de feuillages ;
Vous êtes toujours vieux et toujours rajeunis.

Le temps a respecté, rois aux longues années,
Vos grands fronts couronnés de lianes d'argent ;
Nul pied ne foulera vos feuilles non fanées :
Vous verrez passer l'homme et le monde changeant ».

LECONTE DE LISLE (1818-1894)

Extrait de « La Fontaine aux lianes 1847 »

Poèmes antiques, 1852.

 

 

Les forêts ont été un des premiers refuges de nos lointains ancêtres et notre conscience primitive ne l'a sans doute pas oublié. Pour les Celtes, elles furent lieux de culte ; on dit que les druides officiaient sous les arbres.

 

Loin des idées romantiques liées à ces rites, les forêts, dans notre imaginaire sont encore hantées de bêtes féroces ou de brigands tapis dans l’ombre, prêts à fondre sur nous… Mais les bois obscurs font frémir au même titre qu’ils fascinent et séduisent par leur beauté, leurs puissants parfums. Marcher dans l’ombre de la sylve, procure détente et paix. Suivre un sentier sous les frondaisons, c’est un peu retrouver son chemin intérieur,  « l’enfant intérieur » (1).  Celui-ci me suit toujours, ivre d’une enfance libre et verte, courant par monts et par bois, sa petite main nichée dans la pogne rude d’un grand-père bûcheron, taciturne et tendre. Peut-être ne lisait-il point de poésies, et que l’expression « mystère de la forêt » n’avait  guère de sens à ses yeux,  mais il m’apprit à aimer, à fréquenter les arbres, à ne point redouter les profondeurs forestières, où souvent je dormis seule.

 

Bois morts plus vivants que jamais, futaies frémissantes déroulant d’épaisses chevelures vertes ou rousses selon les saisons, vous conversez par le chant des oiseaux, les voix frémissantes d’indénombrables feuilles ébrouées par le vent. Vous êtes le temple sombre où s’expriment le lugubre brame du cerf, le hurlement du loup. L’aboiement rauque du chevreuil, dans les lumières crépusculaires,  surprend et inquiète, tout comme le grognement du sanglier, le cri de la hulotte.  En revanche, l’écureuil espiègle au glapissement comique ou le renard furtif aux yeux d’or séduisent d’emblée !   Plus discrets, le bousier obstiné et  l’invisible collembole grouillant dans l’humus ne se révèleront qu’aux plus observateurs…

 

Aller à la rencontre des forêts, écouter ce qu’elles ont à nous dire, dans leurs murmures, leurs gémissements et leurs soupirs, respirer leur souffle parfumé jusqu’à l’ivresse, caresser les troncs rugueux des arbres vénérables, leurs feuilles duveteuses ou craquantes, me semble la plus enivrante des missions. Ecrire. Devenir livre, feuille. Puis, doucement, tomber à terre, devenir terre, se taire… Et peut-être renaître, sous la forme d’une jeune pousse de hêtre à la verte collerette, coiffée d’un bonnet piquant ? Qui sait.

 

Martine Schnoering

Dijon, 27 septembre 2013

 

 

 

 (1) L'enfant intérieur est un concept de psychologie analytique créé par Carl Gustav Jung pour désigner la part enfantine ou infantile de l'adulte. Cette part étant liée au fonctionnement primaire, instinctif de l'enfant que chacun a été, il est possible d'y trouver de sa part d'Ombre, par exemple d'Anima pour l'homme, et Animus pour la femme. (Source )

 

 

Tag(s) : #Arbres
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